

Prix: 22€
extrait: cliquer sur le livre

La « vallée des coquelicots » vous invite à vous promener parmi ces contes et nouvelles qui mettent en scène des fleurs, bien sûr, mais aussi des enfants, des ados, des personnes âgées, des animaux, des objets qui vous racontent des histoires.
Leur but est de vous faire rire aux éclats, sourire ou parfois pleurer, mais ils se terminent toujours sur une note optimiste.
Ils mettent souvent en valeur une petite morale qui aide à grandir, à comprendre, à accepter que l’on n’est pas parfait, mais qu’on peut essayer de s’en approcher.
Ces récits aident les parents, mais aussi les enfants, les enseignants à aborder des sujets parfois graves sans gêne. Ils montrent que, dans le cœur de chacun, il y a quelque chose de bon qui mérite d’être mis en avant et gomme les différences.
Dans cette vallée, il règne la justice, la paix, l’amour. Utopie ?
Peut-être pas… à vous d’y croire ou non…
Le livre...

Politesse pour politesse, notre cigogne invita Arnold à déguster les spécialités de son pays. Spécialités qu’elle-même ne mangeait pas, mais qu’elle tenait à tout prix à partager avec ce touriste hors du commun. Elle l’entraîna dans l’arrière-cour d’un restaurant qu’elle connaissait bien et le laissa se servir parmi les restes d’assiettes trop copieusement garnies. Celles des habitants du pays étaient vides, bien sûr, à la mesure de leur appétit ; celles des touristes laissaient largement de quoi satisfaire la curiosité du goéland.
Croyez-le, ne croyez pas, le coquin y prit goût. Comme je vous le dis ! Il mastiqua quelques bouchées de choucroute, engloutit avec délice quelques rondelle de cervelas et, après un mouvement de recul involontaire, se fit tout à fait au Munster très prononcé, qu’il qualifia de meilleur fromage du monde.
Mais hélas, tout a une fin, et leur merveilleuse entente se trouva brisée le jour du départ. La cigogne regagna son nid, très triste, se promettant de faire un jour un détour par l’ouest, lors d’un de ses périples, espérant profiter de courants chauds pour se maintenir plus longtemps en vol.
Il avait tout de même appris quelques mots d’alsacien, et l’appela tendrement « Schatzala » en lui rapportant le dernier soir, deux grenouilles et un petit lézard en guise de cadeau d’adieu.
Il revint dans son Morlaix natal, mais connut la déprime de sa vie. Tous les soirs, il s’endormait en souriant, rêvant de sa belle. Et tous les matins, il se réveillait triste à mourir, parce qu’il était seul et que les toits de tuiles lui manquaient. Un jour elle passerait par-là, elle avait promis et un alsacien tient toujours ses promesses. Mais quand ? Tiendrait-il jusque-là sans dépérir ? Il n’avait déjà plus d’appétit et maigrissait à vue d’œil.
Il l’attendait sur sa cheminée favorite, près d’un ensemble de trois immeubles où les locataires étaient plutôt généreux. Ils jetaient beaucoup de leurs restes par la fenêtre et il n’avait qu’à s’élancer dans un grand vol plané pour attraper, au vol ou à terre, ce qu’il trouvait de comestible. Une seule fois, il avait eu une mauvaise surprise, un enfant ayant eu la curieuse idée de lui jeter de la pâte à modeler… Il n’avait pas beaucoup aimé et s’était promis de se précipiter moins vite la prochaine fois.
Ce jour-là, mélancolique, il se dandinait dans le gazon, à la recherche de quelque chose de léger, quand tout à coup, il redressa le cou. Il renifla une fois, deux fois…
- Ma parole, je deviens fou, se dit-il, je sens une odeur de choucroute !
Il s’approcha d’une porte-fenêtre, plus près, plus près, et coula un œil à l’intérieur de l’appartement du rez de chaussée, où une nouvelle famille venait d’aménager. L’odeur se fit plus forte, une odeur de fermenté agrémentée d’une légère senteur de clou de girofle qu’il aurait reconnue entre mille. Il pouvait même dire, à vue de nez, que la choucroute était bien braisée, accompagnée de pommes de terre et de véritables saucisses d’Alsace.
Il sauta de joie, claqua du bec, fit tout ce qu’il put pour imiter la cigogne, et son stratagème réussit, car la maîtresse de maison vint se montrer au balcon :
- Qu’est-ce que tu veux, toi ? Tu as faim ? Mais je ne peux rien te donner, mon pauvre, je n’ai que de la choucroute. Les goélands ne mangent pas ça.
Arnold hocha la tête vigoureusement plusieurs fois de suite, de haut en bas, comme pour dire :
- Si, si, moi j’en mange.